Pontiac Grand Ville 1971: les derniers colosses

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Pontiac Grand Ville 1971: les derniers colosses

J’ai toujours été fasciné par les fullsize américains. Ceux des années 1970 qu’on voyait ballotter de gauche à droite à chaque enchaînement de virages. Malgré les 2 tonnes et des dimensions de yachts, ils n’étaient jamais à la peine pour gravir à vive allure les pentes raides de San Francisco.

C’étaient les dernières années des big blocks coupleux sous les capots, pas encore étouffés par les sévères normes antipollution. Chez Pontiac, le gargantuesque V8 455ci (7,5 litres !) maison complète la gamme de moteurs pour l’année 1971. Coup de bol : c’est le moteur qu’on trouve sous le capot de cette Grand Ville !

Toujours est-il que la concurrence n’est pas à la traîne en terme de cylindrées de poids lourds. La Ford Motor Company bat Pontiac de 5 petits pouces cube avec son 460ci (7,6 litres) tandis que Cadillac conserve une belle avance avec son 500ci (8,2 litres) ! Le groupe Chrysler est derrière avec son big block 440 (7,2 litres). Pour autant, la cylindrée n’est pas le meilleur indicateur de performances (on le verra davantage les années suivantes…). Une guéguerre des chiffres qui n’a donc de valeur que sur le papier. Mais faut avouer qu’au prix d’une Cadillac, le client veut ce qui se fait de plus gros et de plus clinquant… Et ça, la marque l’a bien compris.

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Le V8 455ci était le plus gros moteur chez Pontiac en 1971.

Big block or not

un moteur assez pêchu pour déplacer avec aisance son palace roulant

Disponible uniquement en V8 455ci à carburateur 4 corps (en option sur les Bonneville et Catalina Brougham), la GrandVille n’est jamais en mal de puissance. Comptez 230 chevaux net et un couple de base ultra confortable estimé à 603 Nm à 3200 tours. De toute façon, la clientèle n’est pas la même. Le conducteur type d’une berline ne cherche pas à défier un muscle car au feu rouge mais à avoir un moteur assez pêchu pour déplacer avec aisance son palace roulant. Même s’il pourra s’en donner à cœur joie un an après quand un petit gars en Chevelle ’72 flambant neuve mais anémique, mettra quelques coups d’accélérateur à l’arrêt, un « regard revolver » dans sa direction. La puissance est transmise aux roues arrières par l’intermédiaire d’une boite manuelle 3 vitesses ou de la populaire boite automatique GM TH400 en option.

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Le regard du gars en Chevelle ’72 qui voudra vous défier

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L’arrière – plus sobre – n’en est pas moins élégant.

So early seventies

Trêve de parlotte sur l’aspect mécanique. La Pontiac n’est pas que belle vue du compartiment moteur. Dans cette livrée « gold », elle crève même l’écran, nous replongeant tout droit dans un bon vieil épisode de Kojak. Le toit vinyle noir contraste élégamment avec le reste de la carrosserie, lui donnant un faux air de grand cabriolet avec les vitres sans montants. Le profil est fluide et bien proportionné, rendant l’ensemble équilibré malgré les dimensions importantes. Des fender skirts (morceaux d’ailes cachant les demi-roues) étaient proposés en option pour aérodynamiser davantage la ligne. L’inscription « Grandville » sur les ailes avant évite de la confondre avec ses jumelles Catalina et Bonneville, de gamme inférieure. Les jantes tôle – ici recouvertes d’enjoliveurs d’origine en forme de soucoupes volantes – pouvaient laisser place à des Rallye Wheels optionnelles, aujourd’hui très difficiles à trouver dans cet entraxe.

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Les berlines Pontiac début 1970s affichent un style très marqué.

La protection des piétons ? En 1971, rien à foutre !

Ce qui interpelle le plus sur cette auto, c’est cette face avant originale, reconnaissable parmi mille. 1971 sonne comme une année de renouveau au sein de la gamme de fullsize General Motors, aussi bien sur l’aspect technique qu’esthétique. Le long nez protubérant qui se démarque sur toute la surface du capot finit en pointe à l’avant, scindant la calandre en deux façon « chasse-neige » (un hommage à la flèche du logo Pontiac ?) et point culminant aiguisé. La protection des piétons ? En 1971, rien à foutre ! Le museau est d’ailleurs si épais que l’accès frontal au moteur est rendu plus compliqué, au prix de quelques contorsions. Je ne vous dis pas la vue du cockpit ! Un peu déroutant tellement le bout du capot est loin… Même pour quelqu’un qui conduit souvent une Caprice ’77.

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Ce nez bien aiguisé renforce l’agressivité de cette face avant.

Les double phares sont logés aux deux extrémités hautes, surplombant une large calandre qui s’affine en rejoignant les veilleuses-clignotants. Le parechoc chromé suit tout le tracé serpentueux sans nuire à la beauté de l’ensemble. A l’arrière, c’est déjà plus conventionnel. « Grandville » est écrit pour la 4ème fois (là on sombre dans la publicité ambulante…), bien centré sous la serrure de coffre. Les feux jouent la carte du style strié façon Plymouth Roadrunner ou Duster 1970 mais sur une plus large surface, histoire de marquer la différence de gabarit.

De faux airs de club privé British

A bord, l’ambiance est plus austère. On passe du doré funky de la carrosserie au noir tristounet à l’intérieur, raccord avec le toit vinyle. Pourtant, cette ambiance tout de (faux) bois, chrome et vinyle (sièges et garnitures en sont composés !) dégage un certain charme façon « club privé British ». Ce n’est pas des plus chaleureux mais l’ensemble a de l’allure ! Le poste de pilotage – niché sous une casquette – est entièrement orienté vers le conducteur, seul maître à bord. Ce dernier a ainsi entre ses mains une série d’équipements plutôt complète. Sur cet exemplaire, les 4 vitres électriques, la climatisation, l’autoradio AM/FM et les vitres légèrement teintées font partie des options, en plus des déjà classiques direction et freinage assistés. Petite remarque : le chauffage embarqué – redoutablement efficace – transforme très vite la voiture en sauna ! Encore une belle preuve que voiture ancienne ne rime pas toujours avec confort d’un autre âge.

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Une idée de ce que voyait un mafieux conduit par son chauffeur personnel.

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L’autoradio AM/FM a conservé sa façade mais tout l’électronique est récent.

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Tableau de bord orienté conducteur. Garanti 100% faux bois.

Le gabarit comme seul frein

Comme bien des berlines américaines, la Pontiac Grand Ville se conduit avec une facilité presque déconcertante. Les différentes assistances la rendent plutôt maniables. Le 455 offre de franches poussées sans pour autant vous envoyer dans la stratosphère, limité par un poids tout de même conséquent de près d’1,9 tonnes. Le freinage (disques à l’avant) fait le job sans sourciller. Je ne ferai pas dans l’original mais quel sourire au démarrage de ce Caterpillar à froid. La double ligne d’échappement glougloute à 1000 décibels, le temps que le ralenti moteur se cale. Non, le seul gros frein à la conduite, c’est le gabarit (et l’absence de rétroviseur droit…). Les constructeurs américains s’arrangeaient souvent pour donner des repères visuels facilitant l’estimation du gabarit de sa voiture (ex : un capot non plongeant pour en voir le bout, des extrémités d’ailes marquées, des rétroviseurs dans le sillage du bombé des portières). Mais ce nez protubérant fout tous les repères en l’air ! C’est donc une habitude à prendre ou quelques sueurs froides lors des manœuvres délicates.

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Difficile de passer inaperçu dans le trafic.

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Un sacré gabarit qui n’est pas aidé par son long museau pointu.

Une affaire de famille

Cette GrandVille est la propriété de Julien, depuis 2010. Importée des Etats-Unis, la belle américaine était un projet commun avec son père, après une Chevrolet Camaro 1979 et une Caprice 1988. Ce dernier étant emporté par la maladie quelques mois après, Julien hérite de la voiture avec la conviction d’en prendre soin comme la prunelle de ses yeux. La voiture s’avère relativement saine. Pourtant, un séjour en carrosserie se révèlera indispensable pour sauver les ailes arrières après un début de cloc et la découverte de rouille sous la peinture. Cette partie de la carrosserie avait été soigneusement maquillée avec une belle peinture. Une pratique courante aux Etats-Unis pour maximiser le profit au moment de la vente. Rien à déplorer heureusement coté mécanique. Le big block 455 présente bien et ronronne comme il se doit. Le propriétaire a même pris soin de remettre quelques autocollants d’époque sur le boitier du filtre à air.

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Julien entretient lui même sa Grand Ville. Notez l’espace entre le moteur et la calandre.

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Petit détail qui tue: les autocollants d’époque ont été remis.

Entretien maison

Mécanicien de formation, Julien effectue lui même la plupart des réparations et entretiens. Depuis l’achat, il a refait toute la suspension, l’allumage et tous les périphériques moteur, changé le contacteur de neiman (problème aléatoire de démarrage), la chaine de distribution, monté une double ligne d’échappement (option d’époque qui permet de gagner 20 ch) et remplacé toute la moquette du plancher. Le bloc compteur est parti en révision chez un spécialiste américain (Instruments Service Inc.) pour réparer le compteur de vitesses et redonner vie à l’horloge. L’autoradio d’origine – hors-service – a été désossé et ses composants remplacés par des modernes pour bénéficier des avancées actuelles tout en conservant la façade d’origine. Le travail a été effectué par un pro français. Une réfection du carburateur et un traitement antirouille ont été récemment effectués. L’installation des fender skirts et jantes Rallye Wheels Pontiac (options d’époque) fait partie des prochains chantiers.

Merci à Julien pour le temps consacré. On lui souhaite une longue route à bord de son paquebot !

En 1971, Bill Withers et son « Ain’t no sunshine » inondent les stations de radio américaines…

Texte: Exapart / Photos: Exapart

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Un fullsize raffiné qui se fait rare, même aux Etats-Unis.

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Le logo Pontiac habille le toit vinyle.

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« Prenez place Don Corleone… »

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A l’époque, il était de coutume de logoter le verrouillage des ceintures.

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« Grand Ville », un nom qui sonne bien français. Synonyme de prestige aux USA.

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Longue, la Grand Ville est pourtant si bien équilibrée qu’elle n’a rien d’un pachyderme.

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Dans les 1970s, les fullsize sont légion dans les rues des grandes villes.

12 Commentaires

  • michael pizzuto
    1 mars 2017

    Beautiful grandville identical to my dads if it ever comes back to the states please email me we will talk price

    Thanks Mike

  • RIVA
    20 septembre 2017

    Bonjour,

    Petite précision : On a coutume de dire que le 455 ci fait 7.4 L (7,45 litres arrondis à la décimale inférieure ; à 7.4 ).
    Le 460 ci ne fait pas 7.6 L mais bien 7.5 L (7,53 L arrondis inférieur à 7.5)
    Le 500 ci fait exactement 8,19353 L (arrondi supérieur effectivement à 8.2 L)

    P.S : je lis toutes vos publications… Collectionneur de voitures US depuis 30 ans, je partage et éprouve ce que vous dites…
    Cordialement,
    Franck

  • Yann
    15 décembre 2019

    Bravo a Julien pour le soin apporté a cette magnifique/ rare Pontiac et a vous, pour ce très bel article. Je suis moi même propriétaire d’une Full Size (Caprice 1972 402 Big Block) et vos mots résument bien la philosophie de l’acheteur de cette époque : Couple et confort. On cruise sur un filet de gaz, mais on peut aussi aligner les km, grâce a un rapport de pont long (autour de 3.00 en général).
    Ce début des seventies, marque vraiment la fin d’une décennie d’insouciance. A partir de Septembre 1972, les normes fédérales vont sensiblement alourdir l’esthétique avec l’adoption de pare-chocs « sécurité » et en Septembre 1974, le Muskie Act. mettra un terme aux moteurs performants.

  • pierrro
    17 février 2020

    Bonjour,
    Qu’est-ce qu’on voit sur la dernière photo, peut-être tirée d’un film (Police puissance 7 ?) ? Devant le break GM bleu au 1er plan, une Dodge Coronet ? Et encore plus loin, le taxi jaune : une Plymouth ?

  • pierrro
    22 février 2020

    Dans Kojak, on voit une berline Grand Ville, et c’est surtout dans le film Police Puissance 7 qu’on peut en admirer une sous toutes ses coutures, aux mains du même cascadeur que pour la poursuite-culte de Bullitt.

  • pierrro
    25 février 2020

    Salut ! Le coupé bi-ton qu’on voit sur la voie de gauche de la photo de Kojak m’ intriguait. Je pense avoir trouvé : Pontiac Bonneville 1968. Qu’en pensez-vous ?

  • Waterlot. Patrick
    20 septembre 2020

    Bonjour je recherche ligne complète Del échappement pour ce model cabriolet . Merci de ma dire si
    Vous pouvez avoir pour la France et prix

  • michael pizzuto
    2 janvier 2021

    Hi chuck this is mike from ny we spoke a while back hows the grandville doin ?? im still very much interested in it for sentimental reasons does julian have any thoughts in selling yet ?? please let me know please try to keep me in the loop on whats going on with it

    Thanks Mike

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