Hummer H1 1996: un militaire en smoking

Hummer H1 1996: un militaire en smoking

Lancé à des fins militaires, le Humvee doit sa carrière civile – en partie – à l’acteur Arnold Schwarzenegger. L’interprète de Conan le barbare et Terminator se voyait mal rouler en Ford Tempo. Bien lui en a pris; 30 ans après, on savoure toujours autant – si ce n’est plus – ce tout terrain de l’extrême.

Je ne suis pas particulièrement fan des engins militaires. Leur fonction première prend logiquement le pas sur l’esthétique et l’agrément de conduite. Ils font ce qu’on leur demande et ne cherchent pas à séduire le grand public. Pourtant, le Humvee m’a toujours tapé dans l’œil et ce depuis ma tendre enfance. Je le voyais souvent à la télé, aux infos lorsque l’armée américaine était déployée sur un territoire et dans un bon paquet de films. Je l’avais même en jouet, accompagné des fameux petits soldats. Son gabarit monstrueux et ses incroyables capacités de franchissement me fascinaient autant que sa face avant plutôt sympa avec son faux air de Jeep, sept ouïes de la calandre oblige. J’y voyais en quelque sorte un Jeep de l’extrême. D’ailleurs, je pensais que c’était un Jeep.

Les environnements les plus hostiles sont ses terrains de jeu préférés.

Les environnements les plus hostiles sont ses terrains de jeu préférés.

Merci Conan

Puis Schwarzy eut la bonne idée de pousser AM General à concrétiser le projet de commercialisation d’une déclinaison civile du Humvee: le Hummer est né. Pour la petite histoire, l’acteur aurait flashé sur le convoi de Humvee utilisé sur le tournage du film Predator en 1987. Le Humvee « civilisé » lancé en 1992 dit adieu au camouflage et intègre quelques équipements de confort inévitables pour l’automobiliste américain de l’époque comme de « vrais » sièges avec ceintures 3 points, un système électrique converti en 12 volts, l’autoradio AM/FM-K7 ou la climatisation en option. Le très pratique dispositif CTIS (pour Central Tire Inflation System) est également proposé sur demande. Il permet de régler la pression des pneus – par train avant/arrière – via des commandes dans l’habitacle. Le châssis et les trains roulants sont identiques à la version militaire tout comme le V8 6,2l diesel de 150 chevaux – d’origine Chevrolet – associé à la boite auto 3L80 à 3 rapports. Initialement frileux, AM General affiche tout de même 3 variantes de carrosserie au catalogue: le « tout découvrable », le pickup avec benne et le « wagon » entièrement carrossé.

Cette brochure vante les mérites du Hummer 1993.

Cette brochure vante les mérites du Hummer 1993.

A véhicule exclusif, traitement exclusif. L’acheteur d’un nouvel Hummer se voit ainsi systématiquement offrir un tour de la chaîne de montage et une journée de session tout terrain. Cette année 1992, le véhicule est directement vendu par l’usine. Il faudra attendre l’année suivante pour qu’il soit distribué dans un réseau de concessionnaires.

Un Humvee de plus en plus « civilisé »…

D’années en années, la liste d’équipements s’allonge pour fondre davantage cet éléphant dans la jungle urbaine. Le prix assez élevé du bestiau ne peut plus reposer que sur son côté inédit. Les nouveaux clients recherchent toujours plus de confort. Ainsi, en 1994, les vitres et rétroviseurs électriques et le régulateur de vitesse sont proposés en options « usine ». Le verrouillage centralisé est de série. Un nouveau V8 diesel 6,5l – toujours de chez Chevrolet – remplace le 6,2l et apporte un peu plus de souplesse avec ses 20 chevaux supplémentaires. Une boite auto à 4 rapports soulage davantage le moteur en réduisant son régime à vitesse de croisière; les oreilles des occupants sont ravies même si on est encore loin des standards automobiles. En 1995, le premier moteur essence est disponible en option pour contenter une clientèle civile pas très coutumière des moteurs à combustion. En dépit d’une consommation à la hausse, le V8 5,7l Chevrolet fort de 190 chevaux se révèle plus souple à l’usage.

… Mais Humvee avant tout.

Trève de blabla ! Intéressons nous à ce superbe spécimen de 1996 dans sa chic livrée noire métallisée. Pas très à l’aise dans son costume 3 pièces, ses origines militaires le trahissent davantage lorsqu’il doit caser ses 2,20 mètres de large (près de 2,50 mètres avec les rétro) sur une place de parking parisienne. Assez coutumier des grandes berlines américaines, je n’en reste pas moins impressionné par le volume de ce gros jouet qui parait presque aussi long que large. Puis il y a cette gueule qui me renvoie en pleine tronche tous mes souvenirs d’enfance. Je ne réalise pas encore que dans quelques minutes je serai au volant. Passée l’émotion, on ne s’étonne pas que le H1 soit un redoutable tout terrain. Nul pare-choc à l’avant et une garde sol mesurée à 43 cms. Tout le train avant est exhibé et les énormes gommes de poids lourd (12.5 R16.5) ont un accès direct au terrain offrant un angle d’attaque idéal. Les modèles sans pare-buffle n’ont donc aucun mal à grimper un mur à la vertical ! Les 4 roues sont indépendantes et liées à la transmission par des cardans surélevés – formant ce qu’on appelle un pont portique – pour améliorer encore la garde au sol.

Le Hummer H1 a de faux airs de Jeep bodybuildé.

Le Hummer H1 a de faux airs de Jeep bodybuildé.

Si on retire les ailes élargies, on ne m’enlèvera pas que le Hummer fait pas mal pensé à un Jeep avec sa calandre spécifique et ses petits yeux ronds. Accolé au clignotant côté conducteur, le spot « blackout » remis par le propriétaire permet de suivre discrètement le véhicule qui précède dans un convoi de nuit. Les deux crochets traversant le capot sont utilisés pour le parachutage des Humvee. La rampe LEDs Predator a été ajouté par le propriétaire et les feux avant-arrière ont été remplacés par des versions à LED pour rajeunir l’ensemble. Un « hood scoop » a également été installé pour une meilleure alimentation du moteur en air frais et compenser ainsi une faiblesse d’origine (nous y reviendrons après).

En longeant la carrosserie, on aperçoit les rivets (non factices) utilisés pour l’assemblage des plaques métalliques de ce char d’assaut. En qualité de véhicule militaire, le look est secondaire (et pourtant). Pour compenser le poids important du châssis, les parties mobiles (portières, capot) sont composées de matériaux plus légers. Lors de leur maniement, les portières paraissent étonnamment frêles. A l’arrière, l’accès au seuil de chargement se fait par une double porte type ambulance. Il faudra déplacer la lourde roue de secours et son support pour y accéder. Autre héritage militaire: les antennes radio de chaque côté du parechoc.

Familles nombreuses: fuyez !

Le moment fatidique arrive. Je dépasse le cap du simple passant que j’ai toujours été pour m’engouffrer dans l’antre de la bête. Bienvenue à bord du Boeing 747 direction Bora-Bora ! Remplace le volant par un manche et tu es à bord d’un avion de ligne. Le tunnel de transmission – volumineux et haut placé pour faciliter les franchissements – est surmonté d’une imposante console centrale qui confine chacun des 4 occupants dans un espace vital très limité. Autant dire que le Hummer H1 est champion du monde de la pire habitabilité au vu de son gabarit extérieur ! L’instrumentation – très complète – permet de suivre précisément la santé de la mécanique. A gauche du volant, on trouve les jauges de voltmètre et de pression d’huile. A droite, la température moteur, le niveau d’essence, le régime moteur et.. l’horloge ! La dernière petite jauge indique la pression des pneus qui peut être régulée grâce aux boutons de droite (le fameux système CTIS). Une commande permet de basculer à tout instant du réservoir d’essence principal au secondaire. A portée de main droite, je trouve le frein à main, le levier de blocage du différentiel et celui de la boite automatique. Le volant d’origine a été remplacé par un plus petit modèle installé sur les derniers H1.

J’ai très vite le sentiment de conduire un poids lourd avec la faiblesse d’un nombre de vitesses encore trop limité pour soulager la mécanique.

Réveil du Caterpillar

Le Hummer H1 n’a pas grand chose d’une voiture, dans les proportions comme dans la conduite. Ce que je vais très vite découvrir ! Pied sur le frein, boite en position neutre (indispensable pour faciliter le démarrage), je tourne la clé sur la première position. Au cas où, deux autocollants « Warning » vous rappellent ce qu’il faut faire, ce qui ne m’a pas empêché de démarrer sur Park la première fois 🙂 . Une fois le voyant de préchauffage éteint, j’enclenche le démarreur jusqu’au vrombissement du V8 diesel. Calé au ralenti, il émet un véritable son de Caterpillar qui lui sied bien. Ne lui manque que la boule de démolition. Pour ma première balade en Hummer, l’ouest parisien est une parfaite occasion de mettre à l’épreuve mes talents de manœuvrier. Je passe le levier en position D et accélère en douceur pour jauger le couple. Le moteur monte très vite dans les tours et il ne faut pas hésiter à appuyer pour déplacer les plus de 3 tonnes du véhicule. J’ai très vite le sentiment de conduire un poids lourd avec la faiblesse d’un nombre de vitesses encore trop limité pour soulager la mécanique. On est souvent à fond de régime et le niveau sonore élevé dans l’habitacle rend l’usage de casques antibruit obligatoire sur les longs trajets, surtout à allure de croisière (dès 100 km/h). Ceci dit, le couple est suffisant pour ne jamais se sentir à la peine et rendre la conduite assez agréable.

Son propriétaire m’alarme assez vite du manque d’efficacité du freinage, des disques – placés directement en sortie de différentiel – qui ont tendance à chauffer rapidement si on les sollicite trop. En homme averti, j’anticipe et joue du frein moteur de la boite. Le Hummer ne dispose pas d’un ralentisseur hydraulique comme sur de nombreux camions et sa largeur implique de nombreuses phases de freinage lorsqu’on traverse des ruelles un peu trop étroites. J’en fais l’expérience sur les premières mètres de l’essai avec une route pas très large et des véhicules garés de chaque côté… Je remercie encore le propriétaire de m’avoir accordé sa confiance ! Les énormes rétroviseurs sont comme attirés par les camions, de quoi être tendu comme un string par moments. La phase d’adaptation passée, je souffle et commence à apprécier véritablement ce gros bidule attachant. Les suspensions assez fermes et le moteur très présent le rendent peu confortables mais cela ne devient qu’un détail. La direction bien assistée (encore heureux) et l’excellent rayon de braquage le rendent étonnamment maniables et finalement plutôt agile.

Malgré son gabarit, le H1 demeure assez maniable grâce à un bon rayon de braquage.

Malgré son gabarit, le H1 demeure assez maniable grâce à à un bon rayon de braquage.

Ne pas confondre avec un SUV « grand public »

Pour reprendre les termes de son propriétaire, « le H1, il faut le vouloir vraiment pour le garder »

Conçu à d’autres fins qu’une conduite civile, les défauts du H1 – qui sont ceux du Humvee – deviennent finalement une véritable preuve d’authenticité et créent une ambiance que l’on ne trouve dans aucun autre véhicule. Pour reprendre les termes de son propriétaire, « le H1, il faut le vouloir vraiment pour le garder », ce qui expliquerait les nombreux changements de mains sur ces modèles. Quelqu’un qui cherche juste un véhicule pour son physique atypique sera vite refroidi par son inadaptation aux besoins civils. Il faut adapter sa conduite au Hummer – plus proche du poids lourd que du SUV des familles – voire combler certaines failles connues pour pouvoir mieux l’apprécier comme le refroidissement mal conçu (le radiateur est à plat et la grille verticale d’origine aspire trop peu d’air) ou le PMD – boitier de gestion de l’injection – mal placé au sommet du bloc (il chauffe et grille). La mauvaise connaissance du modèle entraîne un autre cercle vicieux: certains H1 sont mal utilisés, mal entretenus et se dégradent, offrant une expérience d’autant plus désagréable aux propriétaires suivants. Les pièces détachées sont souvent assez chères mais on peut toujours ruser en commandant les pièces mécaniques pour un pickup ou un van General Motors équipé du même bloc, la simple évocation du terme « Hummer » ayant tendance à faire grimper les prix chez les revendeurs.

Désolé pour les familles nombreuses: seulement 4 places à bord !

Désolé pour les familles nombreuses: seulement 4 places à bord !

Enfin, ne comparez surtout pas un H2 à un H1 ! Le H2 a le look du Hummer mais le même châssis qu’un Chevrolet Tahoe de grande diffusion. Pour la marque, c’était un moyen d’attirer la clientèle refroidie par le trop « rustique » H1. La carrière de ce dernier prendra fin en 2006 avec l’ultime version Alpha équipée du V8 6.6l Turbo Diesel Duramax de 300 chevaux et d’une boite auto à 5 rapports.

Un vieux coup de coeur

Le propriétaire de ce H1 tombe amoureux du modèle alors qu’il n’a que 8 ans. La découverte d’une brochure chez des amis lui donne le déclic et l’envie d’avoir le sien un jour. Une fois le permis en poche, il visite plusieurs modèles d’occasion dans différents pays d’Europe mais ne trouvera son bonheur que 6 ans plus tard avec cet exemplaire qu’il possède depuis 2 ans. Acheté dans cette livrée noire, il découvre plus tard qu’il s’agit de l’unique Hummer H1 livré en jaune (commande spéciale) pour l’année 1996. Voyageant beaucoup en Europe, il utilise régulièrement son Hummer lorsqu’il profite de son temps libre en Normandie. Ultra documenté, chaque modification qu’il entreprend vise à corriger une faille d’origine ou à le rapprocher du Humvee originel.

Merci à lui pour sa disponibilité !

Les bordures en béton n'empêcheront jamais un Hummer de passer !

Les bordures en béton n’empêcheront jamais un Hummer de passer !

Retrouvez un récapitulatif vidéo de l’essai

En 1996, les Everything but the girl et leur « Missing » inondent les stations de radio américaines, après un démarrage difficile.

2 Commentaires

  • McCloud
    2 septembre 2016

    Une légende urbaine courait à l’époque, selon laquelle ce véhicule imposant nécessitait un copilote…

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