Buick Electra 1962: la classe discrète

Buick Electra 1962: la classe discrète

Le début des années 1960 marque un tournant en terme de design automobile américain. Les caisses bombées aux ailes très marquées laissent progressivement place à des traits plus fins et élancés. Chez Buick, « prestige » rime déjà avec « discrétion ».


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Au sein de la General Motors, Cadillac incarne le luxe suprême. La décadence des fifties – à base d’ailerons gratte-ciel, de dimensions de paquebot et d’équipements high-tech – y aura grandement contribué mais ce qu’elle a gagné en prestige, la marque le perdra en distinction aux yeux de certains. De nombreuses personnalités du showbiz s’affichent en Cadillac. Les étoiles montantes d’Hollywood – et tous autres nouveaux riches – veulent leur Cad’, parfait signe extérieur de richesse et de réussite à mesure que les vieilles familles bourgeoises conservatrices la considèrent comme trop ostentatoire, trop « m’as-tu vu ». Pour ces gens-là, GM peut heureusement compter sur la galaxie Buick.

L'arrière inspirera d'autres modèles jusque dans les années 1970.

L’arrière inspirera d’autres modèles jusque dans les années 1970.

Profondément remaniée en 1959, la gamme Buick compte alors 3 nouvelles appellations pour ces modèles; les LeSabre, Invicta et Electra dans l’ordre de la plus accessible à la plus luxueuse. Le catalogue s’agrandit deux ans plus tard mais l’Electra demeure en haut de gamme. Pour l’année 1962, l’appellation « Electra 225 » – en référence aux 225 pouces (ou 5,72 mètres) de long des premières Electra version longue – se généralise. Ironie du sort: avoisinant les 220 pouces, les modèles 1961-1962 seront les plus courts de 1959 à… 1984! Un complexe à maquiller? Nul doute qu’on passera l’éponge sur ce détail insignifiant tant les qualités de la voiture sont nombreuses.

Un style qui rime avec performance & élégance

Notre modèle d’essai est un cabriolet vendu neuf en France, gentiment proposé par un lecteur parisien. Aussi disponible en coupé, berline 4 portes avec ou sans montants, j’avoue que cette déclinaison découvrable de l’Electra (la moins produite avec 7.894 exemplaires) m’enchante plus que jamais aux premiers jours du printemps (et j’y ai pris goût avec l’essai de la Camaro cabriolet de Raja). Plus habitué aux berlines des seventies, elle est la plus vieille américaine que j’ai l’occasion de conduire, ce qui rend l’expérience d’autant plus excitante. Ce qui me surprend au premier regard, c’est la finesse de ses proportions. Aux antipodes des armoires normandes des décennies suivantes, la Buick parait si fluette qu’on en oublie ses dimensions encore bien généreuses. Le dessin du profil – très fuselé – donne une réelle impression de mouvement, de vitesse à l’arrêt renforcée par les différentes lignes qui courent tout le long de la carrosserie. Sur le flanc des ailes avant, les 4 ouïes – dites VentiPorts – sont censées faciliter la circulation de l’air dans le compartiment moteur afin d’en réguler la température. Tel est l’argument commercial lors de leur introduction en 1949. Sur ce modèle 1962, ils demeurent surtout purement esthétiques.

A l’avant, on retrouve l’esprit des générations précédentes. Les double optiques ronds se démarquent clairement de la calandre chromée mais le dessin demeure toutefois bien moins agressif qu’auparavant; adieu les sourcils froncés ! Plus conventionnel, ce nouveau visage devrait plaire à un plus large public, « à une exception près si on le contemple légèrement de profil » diront les mauvaises langues. En effet, des optiques moins protubérants auraient peut être rendu l’ensemble plus harmonieux. On passe à l’arrière qui fait un total sans faute et n’est pas sans rappeler une star de cinéma qui arrivera bien plus tard: la Dodge Monaco de 1974 à 1977 (si si je vous jure), les petits détails en plus. En recherchant davantage, je m’aperçois que c’est aussi le cas pour la moins populaire Buick LeSabre 1971. Les larges feux sont surmontés de deux casquettes positionnées de chaque côté du feu de recul et créant un relief agréable à l’œil. On ne parle pas d' »Electra » sur la malle de coffre mais on rappelle fièrement que cette beauté est une création du bureau d’études de Buick. L’immense parechoc chromé suit le contour des feux créant une symétrie avec les lignes d’ouverture du coffre. Des catadioptres ont été ajoutés pour satisfaire les normes françaises de l’époque.

En face, Cadillac propose une Eldorado encore chromée à foison et dont les ailes arrières ont toujours tendance à chatouiller les nuages. Si vous la prenez rose, inutile de vous préciser que vous ne passerez inaperçu nulle part. La Buick, elle, joue davantage la carte du luxe discret.

Ambiance Rock’n Roll

Vous observez ce cabriolet depuis plusieurs minutes; votre œil a forcément été attiré par ce somptueux salon au rouge éclatant! Parmi tous ces petits trucs que j’adore chez les voitures américaines, il y a leurs intérieurs et le choix de couleurs ahurissant, du plus sobre au plus excentrique. Avec ce rouge et tous ces chromes, on touche au mythe du rêve américain, à partager à 6 grâce aux deux généreuses banquettes et à l’énorme coffre ultra logeable. Pour ma première expérience à bord d’une début sixties, j’en prends plein les yeux ! Et comme nous avons à faire à un modèle export et qu’il s’agit d’une Buick, j’ai droit à tout ce qui se fait de mieux en terme d’options. Direction assistée (c’est marqué sur le volant), freinage assisté (c’est marqué sur la pédale), vitres électriques, siège électrique, capote électrique, antenne électrique, radio AM… Ne lui manque que la clim’ ! En résumé, cette Buick associe le look et la folie des années 1960 au confort moderne. De ce point de vue, je ne serai pas dépaysé.

Ce gros bloc tourne aussi rond qu’une horloge suisse dans un silence remarquable; à se demander si on frôle les 100 tours par minute.

Parfaitement installé dans mon fauteuil en cuir, il est grand temps de faire vrombir le chat sauvage. Vous avez bien entendu! Depuis ces débuts, l’Electra est mue par le vigoureux V8 « Wildcat » toujours fidèle au poste. D’une cylindrée de 6,6l (401ci) et surmonté d’un carbu 4 corps, il développe 325 chevaux pour 603 Nm de couple… Voilà qui cause. Ça va me changer de mes panzers catalysés. Un coup de contact et une légère vibration se ressent depuis l’habitacle. J’ai bien démarré? Oui, oui. Ce gros bloc tourne aussi rond qu’une horloge suisse dans un silence remarquable; à se demander si on frôle les 100 tours par minute. Ça sent la force tranquille ! Je déplace le levier sur « Drive » et effleure l’accélérateur pour « prendre la température ». Bien m’en a pris, cette cachottière révèle soudainement son vrai visage ! Le couple monstrueux déplace brusquement les plus de 2 tonnes si on y va pas molo… vraiment molo. Je m’efforce donc d’être doux pour éviter le coup du lapin à mon passager. Le V8 émet ce cliquetis singulier lorsqu’on le fait monter dans les tours mais reste tout de même relativement discret. Une double ligne mais pas de Magnaflow sur cette auto toute d’origine. Aucun bruit parasite. Aucune vibration désagréable. On est comme sur un tapis volant, sentant une légère brise.

Un matou qui se laisse domestiquer

La boite auto Dynaflow à deux rapports se révèle assez douce à l’usage mais, très vite linéaire, elle ne permet pas de profiter toujours pleinement du potentiel du moteur. Qu’importe, avec un tel poids et 4 freins à tambours, l’Electra est surtout la parfaite machine à cruiser. Sa direction méga assistée et ses proportions raisonnablement pensées (pas de capot exagérément long) la rendent plutôt facile à prendre en main. Sa direction sous-multipliée surprend toutefois au début (vous savez, quand il faut refaire 3 tours de volant en sortie de virage), comme le manque de précision du boitier qui nécessite de corriger régulièrement sa trajectoire; choses assez fréquentes en cette période. Pour autant, on se sent plutôt serein au volant de l’Electra. Tout fonctionne, répond comme au premier jour et on est totalement déconnecté de la route comme ce qui se fait de mieux dans les années 1970. J’imaginais un plus grand fossé.

Une Buick, une vraie

Cette génération de Buick a longtemps été éclipsée par les modèles sortis plus tôt ou plus tard. Pour beaucoup, elle n’est clairement pas la plus marquante. Aujourd’hui, ses qualités indéniables et sa relative rareté en font un modèle particulièrement intéressant. Je m’attache à mettre parfois en lumière des modèles qui ne courent pas les rues ou sont injustement boudés et c’est tout à fait le cas de cette voiture. A son volant, on fait un bond en arrière de 50 ans, profitant de ce qui se faisait de mieux à l’époque en terme d’ambiance et de confort. Un brin de soleil et on décapote (électriquement) – été comme hiver grâce au puissant chauffage – pour laisser la lumière inonder intégralement l’habitacle et exhiber son sourire benêt à la vue des autres automobilistes. Sa carrosserie sobre et élégante – pour l’époque, on s’entend – en fait une auto subtile, distinguée, dans la grande tradition des Buick.

Christian enchaîne les kilomètres à bord de son Electra.

Christian enchaîne les kilomètres avec bonheur à bord de sa Buick.

Christian a fait l’acquisition de son Electra en 2009. A l’époque, il recherche une grosse berline GM pour remplacer sa Buick Skylark ’65 qui a succédé à sa Bel Air ’54. Phares jaunes export, catadioptres, plaque « F », peinture d’époque, il craque sur son fabuleux état d’origine et ces petits détails typiques du modèle vendu neuf dans l’hexagone. La voiture n’a connu qu’un seul propriétaire assez soigneux de 1962 à 2008. Depuis l’achat, Christian a traité les soubassements à l’antirouille, préventivement remplacé plusieurs pièces dont le radiateur, la pompe à eau, la pompe à essence, le silencieux et le moteur de capote, sans compter les classiques vidanges et changements de filtres et bougies. Le carburateur a également été revu. Et la Buick lui rend bien puisqu’il n’hésite pas à enquiller les bornes à l’occasion d’un weekend improvisé (la preuve en images ici et ) et n’a, à ce jour, jamais connu la panne. La preuve qu’une voiture ancienne bien entretenue peut vous emmener à peu près partout.

Merci à Christian pour sa disponibilité. Vous craquez pour son cabrio ? Il est à vendre, histoire de partager de bons moments avec une autre voiture américaine. Contactez Christian au 06.82.32.63.28.

En 1962, les Isley Brothers et leur « Twist and Shout » inondent les stations de radio américaines.

La publicité d'époque met en avant la position avancée du moteur qui participe grandement au confort.

La publicité promeut la position avancée du moteur qui participe grandement au confort.

3 Commentaires

  • lucas
    25 mars 2016

    Merci Jordan pour tes belles photos et ce superbe texte qui reflète bien l’esprit de l’Electra 225 1962 !

  • Guillaume
    5 janvier 2021

    Bonjour
    Le v8 401 version export ne développe que 315ch contre 325ch pour la version us.
    Ceci est du au taux de compression qui a du être revu pour s’adapter au carburant européen.

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