Une Cadillac à Paris

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Une Cadillac à Paris

En ce samedi soir glacial de janvier, il est 21 heures sur la capitale. Une énorme masse métallique longe les boulevards à faible allure, tandis que ses chromes se reflètent dans les vitrines des magasins.

Julien – alias Popeye – est un mordu de voitures américaines et particulièrement des années 1970 (souvenez-vous de sa Pontiac Grandville). Il nous livre ici un extrait d’une fiction qu’il a écrit. Just for fun.

Les veilleuses oranges contrastent avec l’univers moderne des barres de LEDs en tous genres. Le bruit de son moteur imperceptible, elle passe dans un silence remarquable.

Mais où va donc cette Cadillac Fleetwood ’72 noire aux vitres teintées ? Qui peut posséder une telle voiture dans une atmosphère si raisonnable et rationnelle propre à notre époque ? C’est certainement la question que se posent les rares passants à remarquer sa présence, discrète a l’oreille mais imposante pour les yeux.

Les gros pneus à filet blancs émettent un « clac clac », seul bruit de roulement de cette voiture qui, en son temps , était un des fleurons de l’industrie automobile américaine. La suspension fait glisser ce bateau de plus de deux tonnes avec une aisance et une classe ostentatoire des plus insolentes. L’insigne Cadillac trône fièrement au bout du capot, ce paquebot ne cachant rien de ses origines.

Au détour d’une rue sombre, le moteur se coupe. Les phares s’éteignent et les portes s’ouvrent et se referment dans un claquement net. Deux ombres disparaissent à l’intérieur d’un café à la lumière tamisée, laissant leur carrosse au beau milieu de la ruelle déserte.

Deux amis marchent dans Paris quand ils croisent le chemin de cette auto qu’on ne peut pas louper dans un tel décor.
– Tu as vu cette bagnole ? Elle est énorme.
– Quel engin ! On en fait plus des comme ça.
– On la croirait sortie d’un film ! Une vraie voiture de mafieux.

Les deux compères reprennent leur chemin, le regard ébahi. Ils ne croyaient pas si bien dire.

Bientôt dans la nuit, deux détonations se font entendre. Les deux hommes vêtus de noir remontent rapidement dans leur voiture, qui démarre en trombe dans la ruelle, tous feux éteints.

La Cadillac disparaît rapidement dans le trafic et se fond tant bien que mal dans la masse grise des monospaces diesel. Les occupants n’ont pas de soucis à se faire: aucun témoin ne les a vu remonter et partir. La grosse américaine reprend donc son allure paisible le long de la rue de Rivoli pour rejoindre bientôt le parking de la place Vendôme.

L’énorme fullsize descend tant bien que mal la pente, en se dandinant sur ses suspensions très souples. Le dernier niveau atteint, elle rejoint une place à l’écart des caméras de surveillance, prête à repartir à tout moment.

Apres une longue attente, un bruit se fait entendre. Des pneus crissent sur le béton parfaitement ciré : une Lincoln Continental fait son entrée vrombissante et vient se garer à hauteur de la Cadillac. Deux hommes en sortent et une discussion tendue s’en suit.

Apres un échange de mallette, les deux luxueux landyachts remontent le parking et prennent chacun des directions différentes. La Fleetwood rejoint la place de la Concorde puis après une remontée des Champs Elysées, repart dans l’autre sens en faisant le tour de la place de l’Etoile.

Elle s’arrête devant une brasserie bien connue de la plus belle avenue du monde, le conducteur et son passager laissant les clés au voiturier quelque peu surpris, qui se demande comment la garer sans abîmer les Rolls et autres Mercedes du parking, en l’absence d’aides au stationnement.

Au milieu de ces vaisseaux, la Cadillac termine sa course nocturne, le 472 ci pouvant enfin respirer après tant d’émotion.

2 Commentaires

  • McCloud
    21 février 2017

    Très bon ce texte court, qui nous replonge dans la mythique des Lautner, des Deville, polars « à la française » où selon les codes en vigueur à l’époque, les puissantes limousines américaines convoyaient capi de la Mafia, banquiers véreux et autres truands intouchables.
    Il y a quelques années, une semblable limo, millésime ’73, est restée stationnée quelques mois devant un garage de notre toute petite ville de moyenne-montagne. Curieusement, le carrosse encore flamboyant passait presque inaperçu. Réaction qui me surprend toujours de la part de nos compatriotes, cette indifférence à l’égard de ces vaisseaux des grands espaces, hors évidemment de ces grandes fêtes que sont les concentrations d’américaines où se retrouvent les initiés. Tandis que le passage d’une belle Italienne déchaîne les passions…

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