Immersion dans le drag racing

Immersion dans le drag racing

Quand on entend parler drag ou 400 mètres départ arrêté, c’est souvent au pays de l’Oncle Sam que ça se passe. Pourtant, pas besoin de franchir l’Atlantique pour goûter aux joies de cette discipline.

Durant tout un week-end, j’ai suivi l’équipe Dreams-Cars Racing à l’occasion du 1er volet du European Dragsters, à Clastres (02). Totalement novice dans ce domaine, c’était pour moi l’occasion rêvée de mieux comprendre ce qui motive tant les participants.

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Nos pilotes préparent les derniers réglages avant le départ.

Le drag, en quelques lignes

Le principe du drag est on ne peut plus simple: parcourir 400 mètres (ou 1/4 de mile) en duel, en ligne droite, le plus vite possible. Bien que le pilotage ait son importance (oui, même en ligne droite!), la préparation de son véhicule demeure essentielle. Et inutile de parler de vitesse de pointe ici ! Seule l’accélération sur les 400 premiers mètres compte. La mécanique est ainsi optimisée pour donner tout son potentiel dès les premières secondes. Avec son rapport de pont très court, la Ford Mustang – dans cette configuration – peinera à dépasser les 180 km/h mais les atteindra à une vitesse fulgurante. Les retours au paddock sont souvent l’occasion de peaufiner quelques réglages, effectuer quelques contrôles voire remplacer les pièces qui ont lâché.

Après 150 kms en camion plateau, Mustang harnachée, nous voilà arrivés à Clastres. Très vite, on est impressionné par les premiers paddocks installés. Semi-remorques ou bus aménagés, tonnelles et groupes électrogènes abritent les dragsters les plus puissants (des « rails » notamment) et leurs pilotes, telles des écuries de formule 1. Leur proximité avec la piste évite la surchauffe moteur et les virages serrés à ces engins peu maniables. On compte beaucoup de pro à ce niveau. Plus on progresse et plus les campements sont modestes et les niveaux de préparation variés. Certains concourent avec des véhicules quasi d’origine (muscle cars à carbu high perf ou sportives européennes modernes), d’autres des bases plus accessibles mais radicalement préparées. Il y en a à tous les budgets. Réside ainsi un véritable suspens quand deux véhicules s’affrontent. On ne sait jamais ce qui se cache sous le capot.

L’heure du départ

Le lendemain, l’heure du départ sonne. Les voitures sont conviées sur la pré-grille par catégorie. La « Dragster class » comprend les véhicules les plus radicaux, conçus de A à Z pour le run. La « Slower class » comprend principalement les véhicules de grande série modifiés pour la course (et « plus lents » comme son nom l’indique). Dans chaque classification, on trouve des sous-catégories définies selon les chronos moyens. Dans la Dragster class, il y a les Super pro (7,50 à 8,99 sec), les Pro (9 à 11,99 sec) et le Junior Dragster (pour jeunes de 8 à 17 ans, sur 200 mètres). Dans la « Slower class », on trouve le Street Run A (12 sec), B (13 sec), C (14 à 16 sec) et enfin le Run libre (sans objectif fixé), originalement appelé RWYB (pour « Run What You Brung », « Cours avec ce que tu as apporté »). Notre Team court dans cette dernière catégorie. C’est l’occasion de se faire la main sur sa voiture et évaluer son potentiel pour concourir dans des catégories supérieures plus tard. Cette catégorie est sans classement.

La file se remplit au fur et à mesure que les minutes passent. Une fois la catégorie précédente passée, les voitures peuvent accéder à la piste 2 par 2 (une de chaque côté de la piste pour un duel). Sur demande, deux voitures précises peuvent s’affronter ou une voiture seule peut courir pour se concentrer uniquement sur son chrono. Autrement, les duels sont aléatoires, suivant l’ordre de la file. On donne le premier départ pour faire chauffer les pneus en burnant sur quelques mètres. Le sol est mouillé à chaque départ à cet effet. L’adrénaline grimpe en flèche à mesure que le moteur monte dans les tours et que la fumée blanche se propage. Une étape importante pour améliorer l’adhérence et une excellente mise en bouche pour les spectateurs.

“c’est une des parties les plus riches en sensations. Tu sais que t’as plus que quelques secondes pour tout envoyer et tous les yeux sont rivés sur toi”

Le deuxième départ est donné pour se placer devant l’ « arbre de Noël », ce feu quadricolore qui déclenche la course. Deux feux blancs indiquent le bon positionnement du véhicule pour le départ (ou « pre-stage » pour les intimes). C’est à celui qui sera le mieux positionné en premier et pourra préparer son régime moteur idéal pour le « décollage ». Lorsque les deux feux blancs sont allumés sur chaque voie, les feux du dessous prennent le relai. Concentration maximale. Le moindre faux mouvement peut être fatal. Comme le raconte Jeoffrey, « c’est une des parties les plus riches en sensations. Tu sais que t’as plus que quelques secondes pour tout envoyer et tous les yeux sont rivés sur toi ». Feu orange puis vert… Goooooo! Les pilotes lâchent les freins et les capots se lèvent violemment. Les voitures partent comme des balles en fond de première. Les pilotes sont cloués à leur siège tels des astronautes au décollage d’une fusée.

Les premiers chronos s’affichent au bout de 200 mètres mais rien n’est encore joué. Même si le départ est déterminant, certains moteurs donnent tout leur potentiel plus hauts dans les tours. Et parfois, la différence de puissance est telle qu’il est difficile de lutter. Les 400 mètres atteints, les résultats finaux s’affichent et désignent le vainqueur et l’éventuel record battu.

Qui ménage sa monture ira loin

Retour au paddock pour vérifier la mécanique avant la prochaine course et savourer sa victoire le cas échéant. Une panne et c’est l’occasion de lever le capot à la recherche du problème. Les soutiens sont nombreux ce jour là. De nombreux membres du forum Dreams-Cars ont fait le déplacement mais l’entraide va bien au delà. Il n’est pas rare de voir d’autres teams prêter main forte en cas de coup dur. A force de se croiser sur les événements, des amitiés naissent et la concurrence laisse place à l’entraide et au partage des connaissances.

“Au cours de cette saison, nos deux pilotes ont battu leurs précédents records avec 12.89 sec pour la Mustang et 11.97 sec pour la Corvette !”

Cette pause est aussi l’occasion du débriefing. Qu’est ce que je peux essayer à la prochaine course pour améliorer mon chrono? Où aies-je commis une erreur sur mon dernier run? Pour François, c’est encore plus méthodique. En connectant son ordinateur à sa Chevrolet Corvette, il obtient directement le diagramme de son dernier run. Rapport essence-air (AFR), régime et température moteur, dépression, déclenchement du nitrous… il visualise l’ensemble des paramètres, seconde par seconde, sous forme de courbes. De quoi identifier toute anomalie et essayer de la corriger pour la prochaine course. En déclenchant le nitrous plus progressivement que lors du run précédent, il a pu réduire le patinage au départ et ainsi gagné 1 centième sur son chrono! Des petits détails qui font la différence (certains pilotes parlent de 1000 € pour gratter quelques centièmes…). Au cours de cette saison, nos deux pilotes ont battu leurs précédents records avec 12.89 sec pour la Mustang Fox et 11.97 sec pour la Corvette !

L’adrénaline comme moteur

Bien au delà des résultats et des prix, tous ces mordus de drags ont une quête commune: la recherche de l’adrénaline. Comme pour une drogue, on en devient véritablement accro. On en veut toujours plus. On veut rouler toujours plus vite pour avoir encore plus de sensations. Comme en témoigne Jeoffrey, « cette dépendance pourrait nous pousser à prendre des risques comme dépasser les limites connues de sa voiture ou enchaîner les runs sans contrôler l’état de la mécanique. Il faut résister à la tentation d’aller trop loin. » De nombreux pilotes commencent le drag en douceur, à base de petites améliorations sur des véhicules d’origine. Quelques années plus tard, les véhicules sont méconnaissables tant les changements sont radicaux! « Tu commences avec un carburateur et tu termines avec un compresseur! », résume notre pilote. Difficile de s’arrêter une fois qu’on y a goûté.

Qui est derrière la DC Racing team?

DC correspond à Dreams-Cars, un site puis une association créés à l’attention des amoureux de voitures américaines par Jeoffrey. Le projet DC Racing voit officiellement le jour en 2009 avec la première participation officielle de François.

Jeoffrey & sa Mustang Fox

Longtemps spectateur de runs dans des événements majeurs comme ceux de Lurcy Lévis, Jeoffrey passe des weekends entiers sur les pistes. Sa mère s’essaiera même au 400 mètres au volant de la Riviera familiale. Un beau jour, il flashe sur une Mustang « Fox » (nom de la plateforme des générations 1979-1993) aux accélérations foudroyantes. Il ne le sait pas encore mais elle sera sienne quelques années après.

La Mustang en quelques mots: V8 302ci (5,0l) de 450 chevaux avec hauts et bas moteurs renforcés, carburateur 750 cfm fonctionnant à l’éthanol (qui maintient une température moteur plus basse et permet de meilleures performances), allumage préparé et contrôlé par ordinateur, pont avec rapport court de 4.11 et autobloquant de type drag racing.

François & sa Corvette C3

De son côté, François tombe dans le drag quasi en même temps que Jeoffrey. Propriétaire d’une Corvette C3 « stock », il s’essaye à ses premiers runs libres au rencard du Péchereau. A l’époque, c’est purement pour le fun et sur 200 mètres, ce qui ne suffira pas longtemps à François. L’idée de préparer sa Corvette lui trottait déjà dans la tête depuis qu’il avait refait son moteur quelques années auparavant. Lorsqu’il découvre la piste de drag de Lurcy Lévis (400 mètres), les choses sérieuses commencent.

La Corvette en quelques mots: V8 350ci (5,7l) de 550 chevaux avec hauts et bas moteurs renforcés, injection multipoint, kit NOS (offrant jusqu’à 100 chevaux supplémentaires!), boite de vitesses TH350 renforcée, arbres et demi-arbres renforcés, pneus slicks à l’arrière.

Bien pêchus, les deux drags ont toutefois encore de belles marges de progression devant eux! Mais vous comprendrez très vite que dans cette discipline, on n’arrive jamais au bout.

Après ce weekend passé à Clastres, tout me parait plus clair. Ces gars là carburent aux sensations fortes et aux émanations de sans plomb (et d’éthanol…). Non contents de se faire du bien, ils offrent un spectacle son et fumée à faire dresser les poils. Le tout couronné d’un soleil qui brûle (aiiiiiieeeeeeuuuh) et d’une expo d’anciennes au top. Le soir, c’est encore une autre ambiance. Tout le monde se détend, discute autour d’un verre et fête les records de la journée. On va prendre des nouvelles à gauche à droite et se partage quelques derniers conseils. Un weekend drag, c’est tout ça. Que vous soyez présents en tant que pilote ou simple visiteur, ce type d’événement risque donc de ne pas vous laisser indifférent. Pour ma part, j’ai déjà réservé mon weekend de septembre à Clastres!

Les rendez-vous dragsters restent relativement rares en France mais face au succès de cette édition (4000 visiteurs !) et à l’implication de l’ATD (l’Association Trophée Dragster), il se pourrait bien que cela change. Enfin, des forums comme Dreams-Cars contribuent à la démocratisation de ce hobby en prodiguant trucs et astuces pour mieux comprendre la préparation automobile (allez voir leurs vidéos) et la discipline drag.

Rendez-vous sur le dragstrip de Clastres (02) les 12 et 13 septembre !

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Un grand merci à l’équipe Dreams-Cars pour cette initiation au drag et à l’ATD pour la qualité de l’organisation!

Texte: Soapcars / Photos: Thomas Gilbert, Marvin & Raja, Soapcars

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